La ferme des bouillons est expulsée et dorénavant des partisans d’une droite dure y résident. Nous sommes en colère. En colère parce que des ennemis se sont constitués une belle vitrine. Mais en colère aussi contre les éléments contre-révolutionnaires des luttes. C’est contre eux que ce texte se dirige et nous l’adressons à ceux qui ont le sentiment que quelque chose à été manqué. Nous ne voulons ni donner de leçons, ni chercher de responsables concernant la défaite des bouillons, mais nous ne pouvons laisser la page se tourner sans rien dire. Nous ne pourrons supporter que se reproduisent de tels scénarios dans les mouvements sociaux à venir et que des stratégies politiciennes viennent briser leurs potentiels.
Dès nos premiers pas sur la ferme, nos premières assemblées, nos premières tentatives de s’organiser sur place, il nous est apparu clairement que la lutte était monopolisée par ce qu’on pourrait appeler ici le « C.A. » (conseil d’administration de l’association) ou les portes-paroles, qui, si vous les cherchez, ne sont pas sur la ferme mais en photo dans le journal. Une lutte dont la stratégie se tournait exclusivement vers les recours juridiques, les institutions, les élus, les Verts. Faire bonne figure, ne pas paraître trop « zadiste » pour mieux « négocier ». C’était la seule chose à faire pour être sauver, nous disaient-ils.
On ne s’était finalement pas compris : la pure question de la destruction d’une ferme comme de la construction d’un aéroport n’est pas l’unique raison qui nous pousse vers ce genre de lutte. Nous y voyons plutôt une possibilité de désertion en acte, un rapport de force à tenir, des rencontres inattendues, une réappropriation collective des moyens de susbistance et la possible diffusion de ces pratiques.
Après une mise à distance avec une lutte qui finalement ne laissait présager aucun dépassement, nous nous sommes quand même dits que le rachat potentiel de la ferme par les Mégard n’était pas juste une affaire de « bio contre bio ». Encore une fois laisser l’Etat « arbitrer », ne rien diffuser à propos des liens entre les Mégard et les fascistes rouennais et faire confiance à la Safer l’aura emporté. Vous connaissez la suite.
A peine expulsé, continuer à se féliciter au cours d’une assemblée se tenant dans le champ d’à côté d’être resté légaliste et non-violent relève de la provocation pour tous ceux qui de près ou de loin, tenaient à cette ferme. Parler en termes de « radicaux » et de « non-violents » c’est jouer le jeu du pouvoir et des médias. Celui ci n’a d’autre visée que de séparer les différentes composantes de la lutte, de les enfermer dans des caricatures pour finalement, affaiblir l’ensemble : objectif atteint. Il ne s’agit pas dans ce cas de revêtir le costume du « Black Block » ou n’importe quel autre fantasme lié à l’imaginaire de la radicalité, mais plutôt de se demander comment mener le mouvement à la victoire. Faire état du rapport de force, de l’élan de solidarité, des liens avec d’autres zones de lutte, des moyens matériels à notre disposition pour se défendre ou communiquer, permettrait de prendre les bonnes décisions.
Notre problème avec la stratégie adoptée par le « C.A . » des bouillons, ce n’est pas tellement que des recours juridiques aient été entrepris (au contraire faisons en usage autant que possible) mais que cette ligne politique tenue par quelques-uns ait écrasé toutes les autres, par différents moyens. C’est ce qu’il faut combattre au sein même des mouvements. Nous le disions déjà au début de l’occupation et le répétons : c’est l’hétérogénéité et la composition des pratiques de lutte qui font la force d’un mouvement. La ZAD de Notre-Dame-Des-Landes est encore occupée après maintes tentatives d’expulsion et une menace permanente, car c’est autant les collectifs citoyens, les projets de réappropriation collective des terres, les barricades , les cabanes, les différentes formes de vie sur place et le soutien massif qui permet de tenir.
A Rouen, le collectif ZAD multiplie ses allés-retours sur la zone. Nous y avons installé des ruches, qui se portent bien. Des hectares de blés sur place ont été planté en vue d’alimenter une usine à pâtes, ici, actuellement en construction. D’autres projets sont à venir entre ici et là-bas, pour intensifier le mouvement de désertion déjà à l’oeuvre.
Nous nous réunissons de manière (quasi) hebdomadaire à la Conjuration des Fourneaux (149 rue Saint Hilaire). Si vous êtes intéressés, retrouvez-nous le mardi à 20h.
des membres du Collectif de solidarité ZAD Rouen